Béthuel Matsili: La géopolitique ethnique et sécurité en Afrique

Béthuel Matsili: La géopolitique ethnique et sécurité en Afrique

Ngorongoro,_Tanzania_-_Maasai_peopledr Béthuel Matsili

Introduction

Peut– on parler d’une géopolitique ethnique ? La notion de géopolitique est toujours liée á une idée de conquête, d’exercice et de maintien du pouvoir sur un ou des espaces géographiques. La géopolitique renferme en soi un aspect d’expansion. Une fois le pouvoir conquis, il reste le problème de sa gestion. Une géopolitique ethnique est possible. Elle consiste á exprimer une tendance de domination d’une tribu ou un groupe ethnique dans une société, dans un pays ou dans un État multiethnique. La géopolitique ethnique cultive l’intolérance et la discrimination tribale. Observant l’histoire de l’Afrique après les indépendances du colonialisme occidental, on constate et observe une instabilité politique menaçant la sécurité et la stabilité non seulement en Afrique, mais dans le monde entier. Il n’ya qu’á observer que malgré l’origine économique des conflits en Afrique, on ne peut ne pas remarquer que diverses sources les présentent comme conflits ethniques. Cela est- il sans fondement ? Quelque soit l’aspect abordé, nous constatons qu’il n’est pas sans importance que ces conflits sont souvent maintenus par une idée de domination ethnique, de domination d’un groupe social sur les autres. Cet état de choses avilit toutes les meilleures idées concernant les destinées de l’Afrique, son développement harmonieux ainsi que le maintien de la paix, la stabilité et la sécurité en son sein. Parler de la sécurité revient á considérer aussi l’aspect social, économique et démocratique. Qu’en est–il alors ?

  1. Ethnicité, démocratie, développement  et stabilité en Afrique

Citant Paul Samuelson, dans son livre intitulé The Wealth and Poverty of Nations, David S. Landes tente de résoudre l’énigme de la différence criarde qui existe entre les nations dites nanties et celles appelées pauvres. Samuelson se dit ne rien savoir sur cet état de choses. Il ne sait donc pas pourquoi les nations riches sont de plus en plus riches et les nations pauvres de plus en plus pauvres[1]. David S. Landes devrait consacrer 760 pages pour tenter de répondre à la question. Les raisons en sont multiples, y compris une certaine « prédestination géographique » ou « naturelle ». Donc une prédestination, sauf erreur, géopolitique. La tentative de réponse est moins essentielle dans le contexte actuel. Néanmoins, si l’on serait tenté d’y répondre, la réponse semble même simpliste: si on a rien, on ne peut rien posséder. Réponse adéquate!? Quelle que soit la démarche à suivre pour résoudre ce problème, il y a, semble-t-il, un fait indéniable. La cause de toute inégalité est la nature égoïste de l’homme. L’homme, admettons occasionnellement ce sophisme, est la mesure de toute chose. Cette pensée spécifique antique semble caduque? Chacun est libre de répondre à la question.

Au XIXème siècle, dans une Europe occidentale « bourgeoise » un de ses fils définissait l’accumulation des richesses comme étant la source de tout mal. C’était le péché originel, soutenait-il. Il a fallu donc, selon lui, délivrer cette Europe, en pleine industrialisation, de l’exploitation de l’homme par l’homme. D’aucuns penseraient qu’il est question de soutenir l’idéologie, cette idéologie. Ce n’est pas le cas. Mais l’on ne peut s’empêcher de penser à la notion de la justice sociale qui est aussi valable tant à l’intérieur des nations qu’au niveau des relations internationales.

Le problème est pertinent étant donné que la richesse ou la pauvreté des pays ne se mesure pas par la quantité des ressources naturelles d’un pays. Elle ne se mesure pas non plus par leur qualité. Il semble que le critère fondamental demeure la capacité de les exploiter, de les utiliser et les mettre sur le marché.

En ce sens, si une nation possède la capacité d’exploiter ses ressources naturelles ou celles d’autres pays, elle est appelée nation riche, nantie, développée.

La nation qui agit contrairement est appelée nation pauvre, misérable, sous– développée. C’est évident, on en est conscient. Le raisonnement me semble aussi moins académicien. Il est donc accessible, compréhensible, clair.

Cela va s’appeler le niveau de développement économique. Le critère fondamental de la classification des nations. Il semble être le baromètre et en même temps le facteur déterminant de l’émancipation ou du développement des sociétés. Point n’est besoin de rappeler qu’il y a aussi la science et la technologie.

Concernant les pays africains, il est nécessaire de prêter attention à un problème qui semble être une pierre d’achoppement, un obstacle, un frein au développement des sociétés africaines.

Il s’agit du problème ethnique que d’aucuns, comme Kovalin Tchibinda, ont appelé tribalité. C’est une des causes de la persistance des conflits en Afrique. Il semble que bien comprendre ce problème permettrait aux pays africains de créer et d’instaurer des systèmes politiques adéquats, conformes à la structure de celles–ci, respectant leur diversité. S’il en est ainsi la démocratie ne serait pas  un luxe pour l’Afrique. Les Africains auraient pu être à l’abri de l’arrogance, du cynisme, du sarcasme de ceux qui se prennent toujours pour leurs maîtres. Aucune entité extérieure ne pourrait prétendre donner des leçons à l’Afrique. Certes on est conscient de l’interdépendance du monde actuel, mais l’Afrique est en mesure de se créer une autosuffisance sur tous les plans, sans mépris pour les autres sociétés.

Le trait caractéristique essentiel, fondamental des sociétés africaines est leur diversité ethnique et culturelle. Les sociétés africaines sont multiethniques et multiculturelles. Ne pas le comprendre et feindre d’être des États unitaires, des nations mono ethniques ou des sociétés mono culturelles, est une erreur grave qui pourrait demeurer un frein au développement véritable et durable ; une source perpétuelle des conflits, une menace permanente de la paix et la sécurité dans le monde. L’Afrique se ferait toujours asservir, d’une manière ou dune autre, si ce problème est mal compris et par conséquent mal géré ou résolu. Elle se fera toujours asservir, a moins de changer l’approche. Elle se fera asservir, tantôt directement, tantôt indirectement par le biais du système colonial qui a été minutieusement instauré dans l’intérêt de sauvegarder les intérêts d’autres nations.

La multi culturalité peut être une  « pauvreté » pour l’Afrique dans le cas où elle fait  l’objet d’une manipulation militaro- politique. Elle devient, ainsi, une source de conflits sociaux et  une des causes fondamentales du sous-développement multilatéral. Dans ce sens la notion d’ethnicité, de tribalité a une connotation négative entraînant la discrimination ethnique ou tribale dans les rapports sociopolitiques, dans le domaine de  la distribution et la redistribution des biens matériels et immatériels de l’État. Ce phénomène, c’est à dire cette discrimination tribale, est bien connu en Afrique, et surtout en République du Congo. Il s’agit du tribalisme. Celui– ci efface, rend caduque, inexistante ou injuste la fonction distributive du pouvoir public.

Une question, cependant, demeure essentielle: L’ethnicité exclut–elle la démocratie ? Exclut–elle la paix et la stabilité ? La réponse doit être: Non ! La diversité ethnique de l’Afrique ne devrait en aucun cas être un frein à la démocratie. Elle n’est non plus une fatalité ou une malédiction. Elle ne devrait menacer ni la paix sociale, ni la stabilité économique, ni la sécurité mondiale ! Il suffit d’adopter une approche convenable pour se convaincre que la susmentionnée diversité ethnico- culturelle est une richesse. La multiculturalité est, donc, une richesse.

II. La notion d’ethnicité ou de l’identité ethnique

Qu’est ce que c’est donc l’ethnicité à laquelle fait-on allusion ? C’est d’abord le sentiment d’appartenir à une tribu, une ethnie, à un groupe ethnique, à une nation. Cette appartenance est juste une forme de prise de conscience de ses origines. Elle est l’identité première de l’être familio- social.

Donc il suffit de se demander. Qui suis-je ? La première réponse qui vient à l’esprit est notre véritable identité. En général qu’est ce que cela signifie, par exemple, être Congolais? Il faut tenter de répondre à ce genre de questions pour se faire une idée de son identité. Être Congolais pourrait signifier: être membre de la nation Kongo. Il faudrait dans ce cas la définir. Cela peut signifier aussi être habitant du territoire appelé Kongo depuis son enfance; être membre d’une des tribus habitant le territoire appelé Kongo depuis au moins 100 ans ou bien tout cela ensemble, mais dans un ordre numérique ou axiologique personnel.

Cela signifie que pour être mieux utile au Congo, il suffit de bien répondre à cette question et de prendre la décision de participer consciemment à sa construction, à son épanouissement. Participer à l’œuvre d’établir des lois, des règlements, des dispositions, et des mécanismes de vie qui feraient le bonheur de tous ceux qui se sentent liés au territoire congolais ou aux peuples du Congo. Cet exemple est applicable pour toute société multiethnique.

On s’abstiendra, expressément, d’exposer largement sur des mouvements qui ont dû avoir une influence sur la conscience des Africains. Il s’agît par exemple du panafricanisme de Marcus Garvey, de la conception panafricaniste de William Dubois, du colonialisme et du mouvement socialiste qu’il faudrait placer dans la même boîte.

Le premier mouvement panafricaniste était racial. Il s’agissait de créer une identité sur la base de la solidarité raciale. Pour Marcus Garvey cet idéal était accessible. Il suffisait, selon lui, d’avoir One God! One aim! One destiny [2] pour se créer la nation noire qui serait en mesure de vaincre les autres races. Il tenait pour objectifs principaux :

  1. Civiliser les pays dépendants d’Afrique;
  2. Créer des agences ou commissariats de protection des Noirs ;
  3. Soutenir la christianisation des tribus africaines;
  4. Créer des universités, des lycées, des gymnases, des écoles permettant l’éducation culturelle des garçons et des filles[3].

Apparemment ces objectifs étaient nobles, mais alors pourquoi son mouvement fût-il un échec? Il n’est pas sans importance le fait que son mouvement eut été basé sur une fausse identité. Le mouvement était basé sur un négationnisme racial. Il voulait créer une nation raciale ennemie des autres races. La preuve? Au sein de son mouvement il a commencé à discriminer les autres Noirs. Il voulait d’une nation des Noirs « purs ». La pureté raciale était devenue son outil, son instrument de lutte au sein du mouvement panafricaniste. William Dubois, qui aura mieux dirigé le mouvement panafricaniste, était métis[4] (ou mulâtre selon l’appellation coloniale). Disons le pour se faire comprendre. Donc pas Noir, selon Marcus Garvey. On est obligé de reprendre les explications de la note pour ceux qui n’aiment pas les consulter(…) le mot Métis ou métisse vient du bas latin mixticus ou mixtus qui signifie mélange. Donc mélange de races. Le colon, cependant, avait voulu que les enfants nés d’un mélange de la race blanche et noire soient appelés mulâtres ou « mulâtresses » selon le genre. Le mot vient de l’espagnol mulato ou mulo qui signifie mulet ou bête hybride. En un mot il s’agit d’une progéniture issue de l’âne et de la jument ou du cheval et de l’ânesse. La langue française n’en dit pas mieux. Une mule, par exemple, est bien définie comme étant un animal femelle né de l’âne et de la jument ou du cheval et de l’ânesse. Au masculin nous avons mul dans l’ancien français qui vient lui même du latin mula. Voila les points de vue qu’avait, peut être inconsciemment, épousés Marcus Garvey, malgré ses bonnes intentions. Il a voulu mener une lutte contre les « Blancs » et les « hybrides ». Cela ressemble à la soit disant lutte menée actuellement contre le régime tribalo- dictatorial de Brazzaville instauré depuis 1997. La perspective semble moins optimiste car au lieu de lutter contre le régime on assiste à la lutte de tous contre tous. C’est une lutte vouée à l’échec. Une meilleure organisation est nécessaire.

Marcus Garvey commît cette erreur. L’erreur de lutter contre les faux opposants. Au lieu de lutter contre le système colonial et esclavagiste il dirigea sa lutte contre ceux qui étaient épris de liberté comme lui. Quel dommage ! Ainsi, malgré tous les sacrifices qu’il dût faire pour ce mouvement, il mourrait dans  l’indifférence de la majorité des Noirs en 1940 à Londres.[5] Il voulait être le Moïse d’Afrique. Il s’était même déclaré « roi de la nation africaine » c’est à dire noire. Selon lui tous les Noirs devraient rejoindre l’Afrique. Et « les peaux claires » ? Auraient–ils le droit d’y vivre ou d’être appelés Africains? Ils les excluaient. C’est le problème de Marcus Garvey et peut être de bien nombre d’Africains recherchant une identité commune pour mieux faire face au sous– développement. La marginalisation, le mépris des autres, pourtant souffrant des mêmes maux est une aliénation manifeste et pathologique. Beaucoup de dirigeants et des politiques africains en souffrent. Ils sont devenus des nouveaux colonisateurs. Bref, l’esprit de ghetto semble demeurer la cause véritable de l’échec de la conception panafricaniste de Marcus Garvey. Il avait dérivé à cause de son égoïsme et de son esprit ségrégationniste. Il a voulu s’accaparer du mouvement sans tenir compte des idées de Sylvester Williams qui fut, en réalité, le protagoniste du panafricanisme, le fondateur du mouvement. Quelques mots sur sa vision du panafricanisme. Henry Sylvester Williams (1869-1911) fut un avocat, écrivain et citoyen britannique, Noir de Trinidad[6].

      En 1897 il avait créé l’Association Africaine comme moyen d’unification des Africains qui étaient victimes de l’esclavage et de la colonisation. Certains affirment que cette African Association  était une continuation de l’organisation londonienne de 1776 appelée Sons of Africa [7]Il voulait se faire entendre dans le dessein de libérer l’Afrique et ses descendants ainsi que de leur donner une perspective meilleure d’avenir. C’est ainsi qu’il organisa à Londres la première conférence panafricaine du 23 au 25 juillet 1900. Il le fît pendant l’exposition coloniale de Londres. C’est à cette conférence que le mot « panafricanisme » fut usité pour la première fois[8]. Donc cette conférence définissait déjà, à cette époque, les enjeux du mouvement panafricaniste:

  1.  Protester contre l’occupation des terres des tribus noires (africaines) par les Européens ;
  2.  Protester contre l’occupation des terres africaines par les Allemands;
  3.  Unir les Africains dans le but de se libérer de la domination coloniale ;
  4.  Créer une identité commune africaine dans les nouveaux pays libérés de la colonisation ;
  5.  Créer l’unité des peuples encore sous domination coloniale britannique et française en Afrique occidentale. Ce qui constituerait une base puissante du panafricanisme qui aurait gagné tout le continent africain[9]

H.S. Williams était certain de la victoire comme l’avait notifié Samuel Colleman en qualifiant la conférence de Londres comme étant la manifestation de cette « primary resistance » contre l’occupation européenne. Les questions liées à la liberté et aux droits civiles, ainsi qu’à la justice économique y furent traitées réellement[10]. À ce sujet un appel fut lancé aux « peuples du monde ». Ce n’est qu’après la mort de Sylvester Williams le 26 mars 1911 que les rencontres régulières du mouvement seront appelées des congrès. Et curieusement ces congrès fûrent comptés à partir de 1919 sous la direction de Marcus Garvey. Les congrès successifs eurent lieu en 1919 (Paris), 1921(Londres, Paris et Bruxelles) ; 1923(Londres et Lisbonne) ; 1927(New York) et 1945 (Manchester)[11].

Sous la direction de Dubois. Donc après la mort de Marcus Garvey, ce mouvement (panafricaniste) a eu une influence considérable en ce qui concerne la conscientisation politique des peuples d’Afrique. Le Vème congrès panafricaniste de Manchester en 1945 fût un véritable tournant en ce qui concerne l’éveil politique des États dépendants d’Afrique. À ce congrès étaient présents des leaders africains bien connus comme: Kwame Nkrumah du Ghana, Jomo Keita du Kenya, Hastings Banda du Malawi, Abafemi Awolowo du Nigéria, ainsi que d’autres personnalités comme l’écrivain Peter Abrahms de Johannesburg en Afrique du sud ou Wallas Johnson de Sierra Leone. Ce mouvement a su être « fille de son temps » dans le but de se voir accorder une voix aux sociétés colonisées d’Afrique. La tâche n’était pas facile, mais il a encouragé l’existence et la création des syndicats, des mouvements sociaux, des partis politiques dans le but de mettre pression sur la politique coloniale. Le V ème congrès panafricain avait pris trois résolutions importantes: Appel aux puissances coloniales ; Adresse aux ouvriers paysans et intellectuels des pays colonisés ; et Memorandum à l’ONU. Aux puissances coloniales il a été demandé de mettre fin à la traite ou au système de traite négrière et de reconnaître le droit de citoyenneté aux  « indigènes » ainsi que la jouissance de tous leurs droits civiques. À l’ONU il a été demandé de mettre en place un mécanisme qui permettrait l’émancipation et l’autodétermination des peuples, (y compris, bien sûr, les peuples africains). Les ouvriers, paysans et intellectuels étaient exhortés à s’organiser en associations et syndicats afin de permettre une intégration meilleure et une lutte efficace concernant leurs droits et libertés

Le mouvement voulait créer une forme de solidarité africaine en se regroupant autour d’intérêts communs. Il a voulu pour cela promouvoir l’identité continentale surpassant ainsi l’idée d’appartenance ethnique. C’est noble, mais la conception ne fut pas exempte d’erreur. Les leaders panafricanistes on eut une bonne vision, mais ils n’ont pas pressenti la fissure. Ils n’ont pas compris que l’anonymat des peuples africains serait une faiblesse potentielle. Ils n’ont pas vu s’approcher le danger. Un proverbe d’un groupe ethnique au Congo dit: À cause des maisons tout ouvertes on a  pu connaitre les défauts de leurs habitants… Ils ont des fesses tachetées !. Voilà. Les maisons ethniques sont restées ouvertes, symboliquement parlant. Alors le conquérant a su bien constater les faiblesses, et les exploiter. Comble de malheurs aujourd’hui ce sont les Africains qui révisent la leçon et la pratiquent. Le système colonial est minutieusement conservé et appliqué par les gouvernants africains. Il se trouve presque partout une ethnie qui se croit le remplaçant légitime de l’Européen colonisateur, riche et gouvernant. C’est l’ethnie dominante qui imite le colonisateur et le conquérant d’hier.

Le mouvement panafricaniste s’était pourtant fixé deux buts à atteindre : la solidarité des peuples d’Afrique d’un côté et la lutte contre la suprématie des Européens de l’autre. L’essence de ce « nationalisme » panafricaniste était la volonté d’éveiller la foi des Africains en ce qui concerne leur faculté et leur possibilité d’action politique, l’aspiration à l’égalité politique, sociale et économique. Il faut cependant noter que ce mouvement n’eut pas de caractère raciste « anti-Blancs », comme le voulait Marcus Garvey. De cette conception panafricaniste nous devons l’apparition du premier parti politique panafricain en 1946. Il s’agit du Rassemblement Démocratique Africain (RDA). Son premier leader fut, bon gré, mal gré, Félix Houphouët Boigny de la Côte d’Ivoire. Malheureusement les leaders des partis politiques filiales du RDA dans leur majorité seront devenus autocrates. Voilà. « Les maisons sont restées ouvertes ». La croyance au panafricanisme sera devenue une croyance naïve pour la simple raison qu’on aura pas tenu compte des besoins des peuples(ethnies) pour y instaurer un système politique adéquat. Les politiques africains avaient pensé  qu’il suffisait d’adopter la démocratie libérale « capitaliste » ou la démocratie populaire c’est à dire « le socialisme ». Cela n’a pas suffit pour mettre en place une stabilité en Afrique.

            Pour un rappel voici quelques noms de partis (sections du RDA) :

  1. Le Mouvement Mixte Gabonais (en 1946) devient Bloc Démocratique Gabonais de 1953 à 1967 sous la direction de Léon Mba, qui après avoir mater « l’opposition » en 1960 devint chef de gouvernement qu’il aura dirigé jusqu’à sa mort en 1967. La même année ce parti va changer de nom pour devenir: Parti Démocratique Gabonais(PDG). Il n’est pas question de rappeler qui était son chef jusqu’à sa mort en 2009. Ce parti demeure hégémonique. Il dirige depuis 1967 au Gabon. Le successeur de son père, a reçu, « un soutien sans appel du peuple gabonais ». De quel peuple gabonais s’agit il ? On n’est pas aussi naïf ! Ali Bongo Odimba en est le chef suprême aujourd’hui.
  2. Union des populations du Cameroun (1948). Ce parti pour différentes raisons tant internes qu’externes va cesser d’exister en 1964, mais deux ans plus tard l’Union Nationale Camerounaise était née. Ahmadou Babatoura Ahidjo en fut le maître jusqu’au 4 novembre 1982. Il a été remplacé par son premier ministre devenu un an plus tard le chef véritable du parti et du Cameroun, Paul Biya(…) Ce parti dirige le pays depuis 1948. Les gouvernements actuels partent de 1982.
  3. Le Mouvement pour l’Émancipation de l’Afrique Noire(1946). Le parti changera plus tard de nom: Mouvement pour l’Évolution Sociale de l’Afrique Noire (MESAN). Le 2 mars 1972 ce parti va nommer Jean Bedel Bokassa comme président à vie de la République Centrafricaine. En 1974 J.B. Bokassa, toujours par le biais du même parti, devint Maréchal « Empereur »(…). La RCA est aujourd’hui le théâtre des conflits atroces. L’Etat est a reconstruire.
  4. Au Congo le parti progressiste Congolais (PPC, 1946) avait même réussi à faire élire son chef Félix Tchikaya, comme représentant à l’Assemblée Constitutionnelle à Paris. Les deux autres partis qui auront été en opposition appartenaient l’un au mouvement socialiste africain et l’autre balançait entre l’identité africaine et nationale. Il s’agit successivement du Mouvement Socialiste Africain(MSA) de Jacques Napoléon Opangault et de l’Union Démocratique pour la Défense des Intérêts des Africains (UDDIA) de l’Abbé Fulbert Youlou. Ce n’est que plus tard que le socialiste bantou, Massamba Débat avec son Mouvement National de la Révolution (MNR), chercha à dominer la scène politique pour enfin la remettre aux léninistes rouges et experts. Depuis lors la couleur rouge domine sur le Congo.  Les maux qui en découlent sont multiples. Il faut la changer, cette couleur. Le sang n’a jamais cesser de couler au Congo–Brazzaville. Depuis 1997 on constate l’installation d’une dictature tribale, qui déjà veut se pérenniser au pouvoir. Le 04 mars 2012 il ya eu explosion des munitions militaires, balayant sur son chemin trois quartiers a Brazzaville, la capitale du pays. Officiellement on reconnut 200 victimes (…). Le 16 décembre 2013 la police et l’armée son allées arrêter un officier nomme Marcel Ntsourou, á son domicile. L’armée a utilisé des hélicoptères, des chars, du matériel de guerre en pleine ville pour arrêter un individu. Conséquence ? Plus de 80 civils ont été tués en pleine ville, le gouvernement demeure sans inquiétudes. Partout aux postes clé il n ya que les membres d’une même ethnie qui dirigent et dominent sans partage ! Les élections présidentielles sont prévues pour juillet 2016, mais tout d’un coup avant la fin de son dernier mandat, le président autoproclamé de la République, le général d’armée Denis Sassou– Nguesso veut changer la constitution. Personne ne se fait d’illusions. Il veut se succéder á lui même (…)
  5. Au Congo Belge les aspirations panafricanistes et indépendantistes du Mouvement National Congolais (MNC) de Patrice Émery Lumumba vont se confronter à l’opposition plus ou moins farouche de l’Association des Bakongo (ABAKO) de Joseph Kasa-Vubu. L’occasion fait le larron. C’est finalement Joseph Désiré Mobutu ( alias Sese Seko Kuku NGbengo Waza Banga) qui prendra le dessus en créant plus tard le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR).

Un autre aspect non négligeable doit être pris en compte.

La colonisation a créé des frontières artificielles obligeant des habitants qui parfois appartenaient à des chefferies ou nations différentes de vivre sur un nouveau territoire acceptant la nouvelle identité qui leur fut forgée. Le mouvement anticolonialiste a gardé le statu quo. Quant au socialisme il n’a fait que renforcer l’idée d’État- nation sous un régime dictatorial. Oui. L’adjectif est adéquat. Dans les pays socialistes ou pro- socialistes, le pouvoir devait appartenir et appartenait au prolétariat. Leur pouvoir était appelé: la dictature du prolétariat. On s’érige souvent contre toute forme de dictature, mais quand on veut parler de la dictature socialiste il y a des objections. Le système politique du socialisme était bien fondé sur un régime dictatorial. Il était défini comme tel dans sa théorie. La dictature du prolétariat devait diriger,  coordonner et contrôler. Donc ne soyons pas étonnés que les dirigeants issus du régime se comportent comme des monarchies absolus. C’est le despotisme que John Locke et, plus tard, Charles de Montesquieu dénoncèrent. Dans un régime despotique ou dictatorial il y a toujours la confusion des pouvoirs. Ensuite, le pouvoir est basé sur la peur, sur  la crainte des gouvernés. En socialisme les chefs des partis cumulaient tous les pouvoirs exécutif, législatif et juridique. Essayons de comparer le Congo avec d’autres pays « semblables » (…)  Évidemment ce mouvement(socialiste) s’était tellement polarisé, qu’en Afrique les dégâts étaient imprévisibles. Il y a eu un socialisme africain. Celui de Léopold Cédar Senghor, le socialisme bantu de Massambat Débat, le modèle tanzanien de Julius Nyerere et le modèle « lénino- pezétiste »[12] « rouge et expert » de Brazzaville (…).

Dans tous ces cas les leaders politiques ont pris l’habitude de parler au nom d’un peuple qui n’existe que dans leur propre imagination démagogique. L’identité nationale n’étant pas une notion claire et évidente pour tous.

Les années 90 nous ont apporté une vague de mouvements démocratiques, mais les problèmes africains restent les mêmes. Il  n’est pas rare de rencontrer des dirigeants africains qui parlent et agissent au nom de l’ensemble de leurs sociétés respectives, sans en avoir reçu mandat. On a l’impression qu’ils défendent des intérêts contraires à ceux de l’ensemble de la société. On laisse la place à la manipulation, au machiavélisme (dans le sens négatif) étant donné que la question de l’identité nationale n’a jamais été résolue. Les leaders des mouvements suscités ont agi quelquefois en bonne foi, mais ils ont oublié qu’ils avaient affaire à des citoyens qui ne croient pas former un tout cohérent. Il faut donc créer un mécanisme leur permettant de s’y reconnaître.

Conclusion

Point n’est besoin de multiplier des exemples pour observer la finalité du mouvement panafricain. Que personne ne cherche à faire la leçon sur l’OUA ou l’UA. Malgré ses efforts, l’UA peine á résoudre des problèmes parmi lesquels les problèmes de sécurité.

Il faut le reconnaitre. Le problème ethnique en est demeuré l’obstacle. Aucune chance n’a été accordée aux ethnies gouvernées de se sentir chez eux (…) Ceux qui détenaient le pouvoir politique ont souvent cherché à dominer sans tenir compte des réalités. Ils ont voulu marginaliser les uns et favoriser les autres. Et voilà la cause de beaucoup frustrations, de l’insatisfaction et enfin de l’instabilité sociopolitique. Pour s’accorder une certaine stabilité du pouvoir, certains dirigeants ont procédé au culte de l’assassinat en politique.

En dehors du panafricanisme racial de Marcus Garvey et continental de William Dubois on peut encore accorder une attention particulière au colonialisme et socialisme pourvu qu’on comprenne tout le sens de ce discours. Ils n’ont rien apporte de salvateur. Tout porte á croire que les Africains ont avant tout besoin de prendre conscience de leur identité ou devront la créer. Le problème ethnique doit être résolu. Ce problème semble être la garantie de la paix de la sécurité et donc du développement durable en Afrique multiethnique.

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  3. B. Matsili, La Communication interculturelle et coopération internationale /komunikacja interkulturowa a współpraca międzynarodowa/ [w:] prace Naukowe Nauki języków Obcych Politechniki Wrocławskiej, red. R. Kużmińska nr 34, Wrocław 1998r, s.122-129.
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Source: "Przegląd Geopolityczny" 2015, t. 12.

 


[1] David S Landes, The wealth and poverty of nations, 1998- 2008, p.15.

[2] Comprendre : « Un même Dieu- un même ideal- un même destin » !

[3] E.U Essiem- Udom, Black nationalism; The search for an identity, Chicago 1995 pp.23-63

[4] Métis ou métisse vient du bas latin mixticus ou mixtus qui signifie mélange. Donc mélange de races si vous voulez. Evidemment le colon avait voulu que les enfants nés d’un mélange de la race blanche et noire soient appelés mulâtre ou « mulâtresse » selon le genre. Le mot vient de l’espagnol mulato ou mulo qui signifie mulet ou bete hybride. En un mot enfants nés de l’âne et de la jument ou du cheval et de l’ânesse…

[5] E.U Essiem- Udom Op. Cit.

[6]  Voir Sylvester Williams[in:]  Encyclopedia of World Biography. 2005-2006 Thomson Gale, a part of the Thomson Henry Corporation.

[7] Marika Sherwood, Origins of Pan-Africanism: Henry Sylvester Williams, Africa, and the African Diaspora, London: Routledge, ISBN 978-0-415-87959-0, p. 354

[8] Owen C. Mathurin, Henry Sylvester Williams and the Origins of the Pan-African Movement, 1869–1911 (Contributions in Afro-American & African Studies), Greenwood Press, 1976, p. 224

[9]  James R. Hooker, Henry Sylvester Williams: Imperial Pan-Africanist, London: Rex Collings, 1975, p.135

[10] James S. Coleman. "Nationalism in Tropical Africa," [in:] American Political Science Review, nr 48, June 1954, p. 405-406.

[11] Owen C. Mathurin, Henry Sylvester Williams and… op. cit. p. 224

[12] Neologisme prejoratif marquant la correlation Lénine– PCT (Parti Congolais du Travail) 

 

 

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